Illustrée par un adage de bon sens, inspiré du domaine médical mais pertinent dans nombre de situations, la nécessité de « prévenir » a trouvé dans le monde du travail un large champ d’application tant les accidents du travail et les maladies professionnelles ont un fort impact négatif du double point de vue humain et économique.
Point de départ d’une démarche de prévention, l’évaluation des risques professionnels – l’EvRP – fait l’objet d’un encadrement précis, reflet de l’importance qui lui est accordée et des exigences auxquelles elle doit répondre. L’INRS (Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles), en particulier, lui consacre de longs développements.
L’EvRP, une démarche à l’impact global
Une obligation prévue par le Code du travail…
Partie prenante clé de l’obligation générale s’imposant à l’employeur d’assurer la sécurité de ses salariés et d’en protéger la santé physique et mentale – obligation posée par l’article L4121-1 du code du travail -, l’EvRP a un domaine d’application étendu comme le précisent les dispositions du même code. Tenant compte de la nature des activités de l’établissement, elle doit pour être complète porter sur l’ensemble des facteurs de risques pour la santé et la sécurité des travailleurs.
Outre les facteurs de nature physique (manutention manuelle et port de charges, postures, travail répétitif, etc.), et ceux découlant de l’environnement de travail (usage de produits chimiques dangereux, températures extrêmes, procédés de fabrication, bruit), doivent également être analysés les risques pouvant résulter de l’aménagement des lieux de travail ou des installations, ainsi que de l’organisation (travail de nuit ou en équipes alternantes, etc.) et de la définition des postes de travail (CDD, intérim, …), sans négliger l’impact différencié de l’exposition au risque selon le sexe des salariés.
… Mais aussi une démarche source de progrès pour l’entreprise
La démarche d’EvRP trouve sa raison d’être, une fois les risques évalués, dans la mise en place et la conduite d’actions de prévention. En ce sens, compte tenu de son champ d’application bien au-delà des seuls aspects techniques, elle apparaît étroitement liée au fonctionnement de l’entreprise dans tous les domaines et, en concourant à son amélioration, elle peut contribuer à une meilleure performance sur les plans humain comme économique.
L’EvRP, une démarche concrète et exigeante
Une démarche concrète
Le risque est une notion abstraite qui nécessite donc, pour être bien identifié, que son évaluation colle au plus près de la réalité vécue par les salariés.
Premiers concernés, il est important que les salariés et les instances représentatives du personnel (comité social et économique et sa commission santé, sécurité et conditions de travail, le cas échéant, un ou plusieurs salariés compétents pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l’entreprise, etc.) soient associés à l’EvRP tout au long de la démarche afin qu’ils se l’approprient.
S’agissant de son champ d’application, la démarche doit éviter deux écueils : une approche segmentée (faite au niveau des postes de travail par exemple) qui ne rendrait pas compte des interactions et de la dynamique existant entre différentes activités ou, au contraire, une analyse au périmètre trop large (l’établissement par exemple) et à l’insuffisante granularité. Intermédiaire, le cadre de l’unité de travail, définie par une circulaire ministérielle (n°6 DRT du 18 avril 2002) comme « une situation de travail dans laquelle un ou des salariés, avec une ou des fonctions différentes et en charge d’activités différentes, sont exposés à un même danger » est à privilégier.
Enfin, parmi les outils d’évaluation des risques, développés par l’INRS en appui aux entreprises (guides, modes d’emploi, applications informatiques sectorielles), l’employeur peut utilement recourir à celui ou ceux adaptés aux caractéristiques concrètes de l’entreprise (taille, nature des activités, …).
L’EvRP, une démarche exigeante
Faisant l’objet d’une sorte de protocole décrit par l’INRS, la démarche doit comprendre des étapes précises.
- Une préparation minutieuse avant sa mise en œuvre avec la désignation d’une personne ou d’un groupe en charge du pilotage, la définition des unités de travail concernées, les outils et moyens financiers dédiés, la formation interne nécessaire et la communication autour de la démarche.
- Au cœur de celle-ci, le repérage des dangers pour les salariés découlant des propriétés de certains produits, équipements ou éléments d’organisation du travail et l’analyse des risques liés à l’exposition des salariés à ces dangers et à ces facteurs de pénibilité : cette analyse se fait, selon le cas, par le biais de contrôles de conformité des produits, équipements et de leur usage rapportés aux référentiels applicables ou, dans le cadre d’une approche de type ergonomique, à travers observation concrète, documentation statistique et fiches produits, entretiens. En présence de systèmes techniques complexes, l’analyse peut aller jusqu’à une démarche de modélisation et de calculs probabilistes.
- Préalable indispensable à la mise en place et à la conduite d’actions de prévention, la hiérarchisation des risques, relève ensuite de la responsabilité de l’employeur qui peut s’appuyer sur des outils de type « matrice probabilité/gravité ».
L’EvRP : prévenir et… guérir !
Prévention et correction
L’objectif est qu’à la suite de l’évaluation des risques, l’employeur mette en œuvre des actions de prévention destinées, après avis des instances représentatives, à nourrir le plan de prévention annuel. Lorsque l’on examine les principes édictés par le code du travail et devant régir ces mesures de prévention, il apparaît que certaines d’entre elles constituent aussi des mesures correctives. Ainsi, par exemple, à côté de la nécessité de combattre les risques à la source ou celle de privilégier les mesures de protection collective et de donner les instructions appropriées, on trouve la recommandation d’adapter les méthodes et équipements de travail en vue de réduire leurs effets sur la santé ou celles de prendre en compte l’évolution de la technique et de remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux (cf. art L4121-2 du code du travail). Prévention et correction sont bien intimement mêlées !
Le document unique
Au risque d’une sanction pénale en cas d’absence, un dossier appelé document unique doit, à l’issue de l’EvRP, retranscrire (sur support papier ou numérique) le cadre de la démarche, la méthode et les outils utilisés pour l’analyse des risques, leur inventaire et leur classement ainsi que, bien sûr, les actions à réaliser.
Il doit être accessible aux instances représentatives du personnel, à défaut aux personnes soumises à un risque pour leur sécurité ou leur santé, au médecin du travail et à l’inspection du travail.
Loin de constituer un simple acte formel de recensement des étapes de l’évaluation, le document unique est la pierre angulaire permettant à l’EvRP de constituer un processus dynamique et évolutif : le document doit faire l’objet a minima d’une mise à jour annuelle, ou d’une actualisation lorsqu’intervient une décision d’aménagement important modifiant conditions d’hygiène et de sécurité ou conditions de travail ou encore si une information supplémentaire concernant l’évaluation d’un risque dans une unité de travail est recueillie (cf. circulaire DRT n° 6 déjà citée).
Même si le risque zéro n’existe pas, on voit que l’EvRP va bien au-delà d’une simple évaluation et, pour réduire les risques, appelle à un grand investissement de tous au sein de l’entreprise.
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